Entre Octobre 2020 et juillet 2021, l’association The Shifters a mené une grande consultation citoyenne afin de percevoir l’acceptabilité et les éventuels freins associés à l’évolution de la société française vers les accords de Paris1. Il ressort de ces nombreux échanges (506 ateliers représentant plus de 1000h de débats, et plus d’une centaine de milliers de contributions écrites) que les nécessaires mutations de l’emploi constituent un point d’inquiétude majeur des Français pour sortir des énergies fossiles. Le rapport note ainsi : « Variable critique de la mise en place de la transition, la mobilité dans l’emploi apparaît comme une thématique sensible, et les réactions des participants sont parfois très virulentes, notamment d’un point de vue émotionnel ».
Or, l’analyse faite par The Shift Project montre que l’emploi va devoir se transformer rapidement et massivement. Pour les secteurs couverts par les travaux du PTEF (soit 11 secteurs et sous secteurs comptabilisant 4 millions d’emplois actuels), The Shift Project a évalué de façon précise les effets sur l’emploi, effets induits par la décarbonation. Résultat : la création de 1 140 000 d’emplois dans le développement d’activités indispensables à la transition (rénovation des bâtiments, agriculture, vélo…) contrebalance la perte de 840 000 emplois d’ici à 2050 du fait de la contraction d’activités incompatibles avec les objectifs climatiques (construction automobile, construction neuve, fret routier, aéronautique…). Ainsi, au-bout du compte, la France bas carbone représente bien une opportunité pour l’emploi, en créant un solde positif d’au moins 300 000 emplois à l’horizon 2050.
La transition énergétique est source de nouveaux emplois dans l’ensemble des secteurs de la transition énergétique : rénovation énergétique, énergies renouvelables, mobilité durable ou encore économie circulaire.
Dans le secteur du bâtiment, la rénovation énergétique est plus que jamais au cœur des activités ces dernières années. Mais pour la mettre en œuvre plus rapidement, encore faudrait-il disposer de la main d’œuvre nécessaire. Le secteur peine, en effet, toujours à recruter, malgré 15.000 emplois créés l’an dernier, indique Les Échos. Le bâtiment compte actuellement 94.000 actifs de plus qu’en 2020, avant la pandémie de Covid-19.
Un besoin de 100.000 emplois de plus d’ici 2026
Le manque d’effectifs s’observe également dans des secteurs connexes à celui du bâtiment, comme les métiers techniques ou de fabrication du matériel. Là encore, les professionnels du secteur misent sur la formation et sur la communication, et se déplacent dans des établissements scolaires, comme des lycées, en espérant susciter des vocations.
Selon la Fédération française du bâtiment, il sera nécessaire de créer 100.000 emplois dans le bâtiment d’ici 2026 afin de pouvoir répondre à la demande en travaux énergétiques, si celle-ci restait aussi qu’importante qu’aujourd’hui.
Si les objectifs de l’actuelle programmation pluriannuelle de l’énergie sont tenus, le développement des énergies renouvelables en France devrait générer près de 264 000 emplois équivalents temps plein d’ici à 2028, d’après une étude menée par le Syndicat des énergies renouvelables (SER). Les groupes industriels énergétiques rivalisent en ores alléchantes pour attirer les jeunes diplômés dans un secteur en plein essor.
Le marché des ENR recrute à tour de bras, pointe Thomas Gaudin, économiste auprès de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie : «On est passé de 86 000 emplois totaux en 2006 à 112 000 en 2020.» Les besoins sont tels que le secteur a beau avoir la cote auprès des étudiants, il reste tendu. «Le poste de chef de projet, un métier multicarte, qui consiste à dialoguer avec les élus locaux, bâtir une proposition sur le plan technique mais aussi financier, attire de nombreux ingénieurs. Et pourtant, on a du mal à recruter. La demande évolue tout simplement plus vite que l’offre », analyse Alexandre Roesch, délégué général du SER.
C’est encore plus vrai pour les postes moins qualifiés, poursuit M. Roesch: «On a du mal à trouver des bac + 2 ou bac + 3, sur des métiers à forte technicité.» La relance de la filière nucléaire, en quête du même type de profils, ne facilite pas la tâche.
Poseur de panneaux photovoltaïques, technicien de maintenance sur les éoliennes, soudeur, électricien… « Les entreprises cherchent avant tout des compétences plus opérationnelles. C’est sur ces postes, qu’on recrute à bac + 2 ou +3, que les besoins sont criants, à la fois numériquement et temporellement. Un technicien de maintenance, par exemple, est nécessaire pendant toute la durée de vie d’un parc, à savoir une vingtaine d’années», abonde Valérie Poplin, directrice opérationnelle du Campus des métiers et des qualifications d’excellence habitat, énergies renouvelables et éco-construction.
Alors que les ventes de vélo ont explosé avec la pandémie, notamment pour les vélos électriques, des voisins européens comme le Portugal, l'Allemagne ou l'Italie se sont positionnés plus vite que la France pour récupérer une partie de la production qui était partie en Asie, note le député. Selon l'ONG Shift Project, citée dans le rapport, si 25% des kilomètres parcourus en France chaque jour l'étaient à vélo en 2050, contre 2,6% en 2018, la filière pourrait créer 187.000 emplois entre construction et réparation des vélos, contre moins de 15.000 en 2016.À la suite de ce rapport, le député demande que le plan vélo soit actualisé à sa date anniversaire, en septembre 2022, et que l'industrie se structure dès les prochaines semaines avec un comité de filière, ou des États généraux du vélo.
Selon l'association France Hydrogène, 100 000 emplois seront nécessaires à l'atteinte des objectifs de la Stratégie nationale de développement de l'hydrogène décarboné (SNDHD) en 2030. Fabriquer les électrolyseurs et les piles à combustible, les installer et les entretenir, que ce soit dans les sites industriels ou les stations d'avitaillement en ville, concevoir les écosystèmes locaux, certifier et normaliser ces activités, convertir et entretenir les réseaux de distribution, etc. Ce déploiement de l'usage de l'hydrogène à grande échelle va créer de nombreux emplois. La filière en compte pour l'instant 5 800, mais elle anticipe déjà les recrutements à venir.
Avec l'installation dans les Hauts-de-France de trois « gigafactories », spécialisées à la fois dans la production, le raffinage et le recyclage, 7.500 emplois directs et 15.000 indirects vont être créés dans la Région. Un pari ambitieux pour les Hauts-de-France qui aspirent à devenir une région pilote dans la batterie électrique en France, mais aussi en Europe.